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Eli, un lien entre la Belgique et le Togo

29 mai 2013

Eli Ayssa vient du Togo et vit en Belgique. Il perpétue ici l'engagement associatif initié là-bas. Aujourd'hui, il est lui-même un lien entre les deux pays. ​

« Nous formons un tout, un conglomérat, ici »

Depuis mon arrivée en Belgique, j’ai toujours vécu à Bruxelles. Je n’imagine pas vivre ailleurs. Je me sens bien dans cet environnement multiculturel: tous les jours, j’entends différentes langues dans le métro ! Je me sens sur le même pied d’égalité que les autres, cela me plaît et me rassure. Tout le monde est différent mais je perçois un comportement commun : une politesse, une convivialité, une chaleur humaine à Bruxelles, peut-être liée à la diversité au sein de la population. Nous venons d’horizons différents mais nous formons un nouveau peuple.

​Je garde des liens très forts avec mon pays. Des souvenirs me reviennent tous les jours.  J’ai davantage vécu en ville, mais ce sont les moments que j’ai passés au village qui me reviennent car j’y avais pris un engagement social fort, de participation au développement local. Et cela me suit …

Quand je vois comment fonctionnent les choses ici, cela me donne envie de faire bénéficier la population du Togo de mes acquis et expériences. C’est le lien qui m’unit encore au Togo. Mais je vis en Belgique et ici j’ai une famille, des enfants ! Je veux donc agir à deux niveaux: contribuer à l’amélioration de la  société togolaise et de la société belge.

« La Belgique a besoin de ma contribution pour poursuivre son développement »

Mon arrivée ici, ce n’était pas une fin en soi. C’était un début : je me suis mis dans les starting-blocks! Je me suis engagé de nombreuses manières : j’ai repris des études, j’ai poursuivi mon engagement associatif, ma carrière professionnelle et ma vie familiale. Les thèmes qui m’intéressent sont tous sociaux : ils tournent autour de l’intérêt de co-construire dans une compréhension mutuelle. Et je suis très intéressé par l’évolution de la politique sociale en Belgique.

« Je me sers de mon expérience du Togo pour recadrer mes élèves »​

En arrivant en Belgique, j’ai d’abord effectué un régendat en sciences humaines à la Haute Ecole Galilée. Aujourd’hui, je suis enseignant dans un CEFA (Centre d’Education et de formation en Alternance). Mon travail y est double : je suis enseignant mais aussi accompagnateur dans l’insertion socio-professionnelle des jeunes, bien souvent à la limite du décrochage scolaire. Il arrive que je parle à mes élèves de mon histoire ou  de la condition des élèves en apprentissage comme eux au Togo. Ces jeunes chahuteurs, d’origine étrangère eux aussi, deviennent alors calmes et m’écoutent jusqu’à la fin ! Au moment même, j’ai l’impression que je leur fais passer un message…mais je ne suis pas sûr que ça change quelque chose.

« Transmettre mon bagage de volontaire »

Au Togo, j’étais volontaire au sein de l’association ASTOVOT de la ville de Kpalimé. J’ai coordonné plusieurs chantiers internationaux de jeunes. Aujourd’hui, au Service Civil International, une organisation de jeunesse, je co-anime bénévolement des formations sur l’interculturalité et sur le développement  pour des jeunes volontaires qui vont partir en chantier, en Afrique (notamment au Togo) et ailleurs dans le monde. En m’investissant auprès d’individus, je participe concrètement à l’épanouissement de gens qui cherchent une ouverture. Je coordonne également un échange entre enseignants belges et togolais. Ils conçoivent des outils pédagogiques ensemble.

« Je m’imprègne de la culture du débat »

Dans la famille et la société togolaise, il y a une hiérarchie à respecter : c’est au plus âgé ou à celui qui a une position sociale ou professionnelle « plus élevée » que revient la parole. Mais ici, ce n’est pas forcément le cas. Quand j’ai commencé les cours à la Haute Ecole, j’étais très étonné de voir que les élèves intervenaient pendant le cours, ils coupaient la parole au professeur ! Cela m’a beaucoup heurté: je trouvais les élèves impolis et irrespectueux ! Au fil du temps, je me suis rendu compte qu’il s’agissait plutôt d’une méthode qui permet la construction collective du cours.  Peut être qu’on ose plus ici, on accepte la pensée de l’autre aussi petit qu’il soit. Le fait de m’imprégner de cette façon de penser en Belgique a influencé mon comportement et ma façon de penser. J’espère un jour pouvoir induire cette culture du débat dans mon pays d’origine, notamment au sein de l’association locale pour laquelle je suis toujours membre du conseil d’administration. ​

« Certains disent que je suis flegmatique, d’autres appellent ça la sagesse africaine »

Nous travaillons beaucoup en groupe au cours des études que je poursuis actuellement à la FOPES (Faculté Ouverte de Politique Économique et Sociale). Quand il y a de fortes tensions ou lorsqu’il faut concilier plusieurs points de vue, j’arrive à tempérer, je ne réagis pas trop, je cite quelques proverbes africains qui font rire. J’essaie de jouer le rôle de médiateur. Même si je bouillonne parfois à l’intérieur ! C’est grâce au fait que j’ai été coordinateur de plusieurs chantiers de jeunes au Togo. J’étais au milieu de différentes cultures et je devais faire attention à la sensibilité de tout un chacun.


Dans ses divers engagements, Eli Ayssa se sert de ses expériences belges et togolaises.