Nord/Sud
Sybille Gioe, une avocate au service des Droits humains
9 janvier 2020 - par Chris Mashini

© Amandine Kech
"Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde, l’Assemblée générale proclame la présente Déclaration universelle des droits de l'homme comme l'idéal commun à atteindre pour tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette Déclaration constamment à l'esprit, s'efforcent, par l'enseignement et l'éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer, par des mesures progressives d'ordre national et international, la reconnaissance et l'application universelles et effectives, tant parmi les populations des Etats Membres eux-mêmes que parmi celles des territoires placés sous leur juridiction."
Ainsi commence le préambule de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Mais pour que ces principes ne restent pas des paroles vaines, il faut des militants qui se battent pour les défendre. Nous avons rencontré l’une d’entre elles, Sibylle Gioe, avocate au barreau de Liège, passionnée des droits humains et du droit des étrangers.
Naissance de l'engagement
Après cinq ans de droit à l’université de Liège, elle entame un master complémentaire en droits de l'homme aux Facultés universitaire Saint-Louis. Mais d'aussi loin qu'elle s'en souvienne, l'injustice l'a toujours indignée de manière viscérale. Sa conscience politique émerge dans un environnement familial humaniste et engagé, et c'est vers le droit qu'elle se dirige pour mettre les mains "dans le cambouis du monde". Nul doute que l’assassinat de Semira Adamu, lors de son expulsion en 1998, a contribué à l'orienter vers la situation des étrangers en Belgique, qu'elle estime être parmi les plus discriminés dans leurs droits fondamentaux.Ensuite, Sibylle prête serment, en 2011: défendre les causes qu’elle croira justes en son âme et conscience.
Parcours professionnel
La violation des droits humains, l'interdiction de soumettre une personne à de la torture, à des traitements inhumains ou dégradants, ou à une détention arbitraire, est-ce réservé aux pays lointains ? Sur le terrain, on se rend vite compte qu'ici aussi, en Belgique, les droits humains peuvent être bafoués.
Pour Sibylle, être dans l'empathie et mobiliser les émotions est important : transformer l'indignation en force de lutte, permet de développer des stratégies complexes sans se défaire du rapport à l'autre.
Sa liberté de défense, estime-t-elle, est aussi vaste que la cause est juste. Traverser illégalement une frontière ou ne pas se soumettre à un ordre de quitter le territoire sont des infractions sans victime. L'adversaire, dans ses dossiers, c'est l'État. Une fiction.
De multiples fronts
Sibylle est volontaire pour assurer la permanence juridique au centre fermé de Vottem. Présente sur plusieurs fronts, elle s'est aussi rendue à Lesbos, dans le camp Moria, célèbre pour ses conditions de vie indignes, pour assurer une aide juridique aux réfugiés. Au barreau, elle s'investit pour lutter contre la surpopulation carcérale, pour soutenir les avocats en danger dans le monde, et pour former ou sensibiliser aux droits des étrangers, en donnant plusieurs conférences en Belgique et en-dehors des frontières.
Message
Selon Sibylle : "Les personnes que nous rencontrons en centre fermé ou en situation de détresse, sur le point d'être expulsées vers des pays où elles sont en danger, où elles ne peuvent vivre dignement, où elles sont privées de leur famille, pourraient être nos frères, sœurs, parents, proches... Nous n'accepterions pas de telles restrictions aux droits et libertés pour nos proches. Alors pourquoi les accepterions-nous pour les étrangers ? Cessons de banaliser la violation des droits humains."
Chris Mashini
Journaliste citoyen, Equipe de rédaction bénévole de Magma asbl – Etterbeek
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