Société

HEUREUX qui comme Ulysse…

6 décembre 2018

Le voyage qui a fait basculer ma vie s’est produit dans un contexte bien particulier, celui de la répression violente en Syrie. Or, initialement, je rêvais de voyager afin d’accomplir mon cursus, m’instruire et revenir avec un doctorat. Cela pouvait faire de moi l’acteur d’un changement démocratique, dans un pays assoiffé de liberté. Ici, j’ai l’intention de questionner l’au-delà du rêve de voyage, plutôt que de parler de l’exil qui m’était destiné.

 

D’abord, qu’est-ce que c’est voyager ?

Tout le monde admire le voyage d’Ulysse, grâce auquel il a pu revenir,   « plein d’usage et raison », selon le poète du Bellay. Par contre, comme tous les récits de la mythologie qui condensent l’expérience humaine, il s’agit, à mon sens, d’épreuve. La vie n’est naturellement qu’une série d’épreuves. Celles-ci ont pour effet, non seulement de nous forger, mais aussi de nous émerveiller sur la splendeur de la créature humaine que nous sommes.

Ensuite, voyager est également un acte de dépassement. Depuis l’invention du feu ou de la roue, l’être humain n’a pas cessé d’essayer de dépasser les conditions qui le contraignent et qui le séparent de son rêve ultime de rencontrer le Parfait.

A mon échelle, ainsi que des milliers de jeunes en Syrie ou ailleurs, j’avais surtout besoin de dépasser, d’une part, la dictature politique, et, d’autre part, le poids de la pression sociale dans une société de contrôle.

C’est en effet ce vif désir de liberté qui m’a animé et qui a fait de moi un oiseau – migrant ou pas, je ne sais – mais au moins un oiseau libre comme celui que décrit Hervé Christiani dans « Il est libre Max ».

Ces considérations pourraient enfin nous éclairer sur l’expérience des amis dits « migrants économiques ». Effectivement, qui dit « dictature », dit « corruption ». Et qui dit « corruption », dit chômage, fuite d’argent public, fuite de cerveaux et de main-d’œuvre.

Il serait ainsi nécessaire que l’Union Européenne (ou d’autres instances), par le biais de soft power et du compromis, questionne sans modération les gouvernements tenus par des dictateurs surtout militaires dans les pays du Sud, sur la transparence, l’oppression et la pluralité en politique.

Une telle démarche pourrait certainement consolider la paix aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur d’une Europe, mise aujourd’hui de plus en plus à l’épreuve.


Hazem Yabroudi
 

Le sais-tu ?

Le Conflit syrien : Le conflit éclate en 2011 après la répression brutale du gouvernement de Bachar el Assad contre les manifestations citoyennes dans le pays. Amnesty International annonce les chiffres suivants : plus de 500.000 personnes ont perdu la vie et la moitié de la population a été déplacée. Environ 75.000 personnes ont disparu après avoir été arrêtées par les forces de sécurité du gouvernement, lesquelles font usage de la torture pour briser les dissidents du régime. Les civils subissent également les violences du Groupe armé de l’Etat islamique, d’autres groupes armés non étatiques et sont tués par les frappes de la coalition internationale qui combat l’Etat islamique.

Source : https://www.amnesty.fr/dossiers/7-ans-de-conflit-syrien

Soft Power : capacité d’influence et de persuasion d’un Etat.