Société

Laurent, sur les chemins de l'école syndicale

13 août 2013

© Amandine Kech

Reprendre une formation peut sembler difficile quand on a déjà un travail. Laurent Kumba a pourtant décidé de relever ce défi. Son objectif : devenir permanent dans une structure syndicale. En pleine période d'austérité et de licenciements massifs, dans une ambiance qui s'apparente parfois à de l'antisyndicalisme, la trajectoire de Laurent a de quoi étonner !

Laurent : un Belge militant

Né en Zambie, Laurent est arrivé en Belgique quand il avait 10 ans avec ses parents, réfugiés politiques. « Je ne suis pas né Belge, je le suis devenu ! C’est au cours de mes études primaires et secondaires que j’ai pris ce petit accent bruxellois … » raconte-t-il.

Technicien industriel de niveau A2, Laurent a commencé à travailler avec la perspective de reprendre un jour un graduat ou une formation équivalente. A l’époque intérimaire chez Electrabel, un délégué syndical de la CSC lui propose de s’affilier à ce syndicat : « J’étais tenu au courant du déroulement des négociations avec la direction, je voyais l’importance du syndicat pour l’unité des travailleurs. Je suis devenu militant. »

 

Reprendre une formation… pas une mince affaire !

Entre-temps, il obtient un poste de technicien chez Infrabel, gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire. Les militants du syndicat distribuent des tracts, forment les piquets de grève,… Laurent veut prendre davantage de responsabilités, il pose alors sa candidature pour devenir délégué syndical et celle-ci est acceptée. On l’invite ensuite à suivre une formation à l’Ecole Syndicale auprès de l’ISCO, l’Institut Supérieur de Culture Ouvrière. Il commence en 2009. « Ce n’est pas facile de combiner ma vie professionnelle, ma formation et ma vie privée. Avant d’entreprendre la formation, j’y ai bien réfléchi car celle-ci demande beaucoup d’investissement : un jour par semaine et quatre week-ends par an, plus des réunions de travail en sous-groupe. Il faut se concerter avec son employeur avant de se lancer. »

Laurent avait donc bien obtenu de son employeur les jours de promotion sociale nécessaires pour assister au cours. Et pourtant, il y a quelques semaines, l’employeur de Laurent les lui refusait systématiquement. « C’est une forme de pression. » déclare Laurent. « Ces interdictions de prendre ces jours de promotion sociale, ce n’était ni réglementaire, ni correct, car je préviens toujours bien à l’avance et c’est noté au tableau de service. J’en ai parlé avec les autres élèves de ma formation, avec mon permanent et les professeurs : ils m’ont encouragé à ne pas céder et m’ont rappelé que ces cours sont reconnus par mon employeur. Pour résoudre ce problème, je suis allé discuter. Les relations sont devenues plus saines et aujourd’hui, je continue l’école syndicale ».

 

Apprendre pour pouvoir assumer de nouvelles responsabilités

La formation apporte beaucoup à Laurent. Il y a l’apprentissage de méthodes : organiser une concertation, faire un sondage, développer un projet au sein d’une entreprise, responsabiliser un militant. Les contenus des cours portent par exemple sur l’économie ou sur la sociologie. Les autres élèves sont aussi une source de connaissances et d’expériences. En effet, à 37 ans, Laurent est un des plus jeunes. Il a beaucoup à apprendre des autres délégués qui ont 40 ou 45 ans. Ensemble, ils discutent des difficultés rencontrées sur leurs lieux de travail respectifs, comme l’accroissement de la flexibilité horaire.

N’est-ce pas effrayant de prendre des responsabilités syndicales en cette période de crises financière, économique, sociale … ? « De quoi aurai-je peur ? » s’exclame-t-il. « Je trouve ça important de prendre des responsabilités : quand on voit les effets de l’austérité aujourd’hui, nous devons rester unis ! » Au niveau professionnel, cette austérité, les travailleurs la ressentent entre autres par la surcharge de travail, explique Laurent. Il y a 10 ans, ils étaient 60 000 travailleurs aux chemins de fer, aujourd’hui ils ne sont plus que 32 000. Laurent affirme que ce n’est pas sain et que cela entraîne certains dangers, comme cet accident du 4 mai de Schellebelle. Laurent le relie aussi à la libéralisation du rail, à la déréglementation, et au défaut de coordination avec des entreprises étrangères.

 

Se former : c’est prendre certains risques mais surtout s’ouvrir des portes

Reprendre une formation, quand on bosse déjà, Laurent nous montre que c’est pouvoir y consacrer du temps, négocier avec le patron, se remettre à étudier…C’est accepter que malgré une expertise professionnelle, il reste toujours des choses à apprendre. C’est aussi accroitre son réseau professionnel, partager les difficultés rencontrées au boulot, renforcer ses compétences et connaissances, ses points de vue et ses engagements. Dans le cas de Laurent, c’est également une manière de consolider ses arguments pour soutenir son positionnement syndical au sein de conflits sociaux forts. Reprendre les chemins de l’école, quelle qu’elle soit, c’est prendre certains risques, mais surtout se donner la possibilité de nouvelles perspectives.