Société

Livreur : rencontre avec Emmanuel

19 janvier 2022 - par Destin Chatue

Emmanuel est un ancien livreur qui a travaillé pour Uber Eats et Takeaway pendant un an et plus précisément au moment du Covid. Un moment où les commandes n’arrêtaient pas.

 

Pendant cette période, il travaillait parfois 50 heures par semaine, alors que la législation belge règlemente le maximum de temps de travail à 40 heures par semaine[1].

Malgré les difficultés qu’ils rencontrent dans leur travail au quotidien, ces livreurs se battent pour le gain. Du fait qu’ils soient payés par livraison, ils se retrouvent en train de courir de part et d’autre pour essayer de livrer les repas le plus rapidement possible. Cela engendre régulièrement des excès de vitesse, qui finissent souvent par, au mieux des colis abîmés, et au pire, des accidents de circulation avec diverses conséquences comme des entorses pour beaucoup. Heureusement, en Belgique, jusqu’à aujourd’hui, aucun mort n’est à déplorer. Ce qui n’est pas le cas de la France, ou plusieurs livreurs sont décédés des suites d’un accident de la route[2].

Contrairement à chez Uber Eats, les confrères de Takeaway sont rémunérés à l’heure et assurés en cas d’accident, ce qui amène les livreurs à avoir moins de pression. Cependant, malgré le fait d’être payés à l’heure, les livreurs doivent tout de même remplir des quotas de livraisons par heure, nous dit Emmanuel.

Plusieurs d’entre eux (des livreurs travaillant pour différentes plateformes) ont déjà fait plusieurs marches pacifiques pour réclamer plus de considération et aimeraient qu’on les rémunère par heure comme tout travailleur et avec une assurance en cas d’accident.

Emmanuel voudrait dire à ses employeurs que « sans eux, ils ne sont rien ». C’est un métier qui demande beaucoup de concentration, qui n’est pas à faire sur le long terme. Le plus dur, selon lui, « c’est de ne pas avoir d’impact sur ta journée. Tu dois t’adapter à tout en permanence : l’heure des commandes, le lieu, la circulation. »

 

« SHIFT, parcours d’un ex-coursier » 

Ce reportage retrace l’histoire de Jean-Bernard, ancien coursier Deliveroo, qui se bat aujourd’hui contre le modèle de travail qu’impose cette plateforme. Nous nous plongeons dans son travail quotidien et découvrons avec lui les dangers de la circulation, la pénibilité physique et mentale des courses, la précarité d’un job ultra flexible sans aucune garantie et dont les responsabilités sont renvoyées aux livreurs eux-mêmes. A travers la caméra de Pauline Beugnies se raconte aussi le combat de Jean-Bernard et de ses camarades, qui tentent, tant que possible, de combattre le modèle Deliveroo et de réclamer un statut de salarié.

Ce modèle, c’est celui qui ne respecte plus aucune protection envers ses travailleurs, considérés comme des « partenaires », indépendants. Matériel et couverture sociale aux frais des livreurs, aucune protection en cas d’accident, flexibilité extrême du temps de travail sans aucune garantie de salaire fixe, contrôle des travailleurs via la plateforme numérique. Le but est clair : faire de la rentabilité à tout prix[3].

Un procès ouvert en octobre dernier, grâce notamment aux initiatives de Jean-Bernard et des collectifs de lutte, devra trancher : les travailleurs sont-ils des salariés ou des indépendants ? Cette décision pourrait être cruciale pour le futur du droit du travail en Belgique.  

 


[1] Cela concerne les régimes de travail « normaux », ne nécessitant l’application d’aucune disposition dérogatoire. Voire www.emploi.belgique.be

[2] https://www.rtbf.be/info/dossier/investigation/detail_investigation-sur-la-livraison-de-repas-tu-ne-vas-pas-dans-un-pays-en-guerre-mais-t-as-plus-de-chances-de-crever?id=10747337

[3] https://www.revuepolitique.be/shift-quel-statut-pour-les-coursiers/