Société

Trois questions à Kalvin Soiresse

8 juin 2021 - par Jessie Tshiasuma

Député écolo au parlement de la fédération Wallonie-Bruxelles

Le parti écolo a-t-il des propositions pour inclure les personnes migrantes dans les réflexions écologistes ?

Tout d’abord, ce n’est pas parce que l’on est migrant que l’on ne peut pas participer aux réunions d’Ecolo.  Ecolo ouvre ses réunions à tout le monde, y compris aux personnes migrantes, et y compris aux personnes sans-papiers. Nous avons des relations assez fortes avec des organisations de personnes migrantes, comme la Voix des Sans-papiers, par exemple, avec qui nous avons des contacts réguliers et avec qui nous travaillons sur des thématiques qui touchent à la migration. Nous travaillons aussi avec des organisations comme le CIRE ou le MRAX, qui s’occupent des personnes migrantes. Cela nous permet d’affiner notre vision, et de nous donner une ouverture à la réflexion écologiste sur les questions d’égalité des droits, d’intégration, de prise en charge des personnes migrantes en Belgique, des centres fermés, etc. Ces discussions permettent d’inclure leur vision dans la réflexion d’Ecolo.

Comment pensez-vous qu’il faille encadrer la migration climatique ?

Du point de vue de l’écologie politique, la migration doit s’envisager par rapport à l’action que nous avons vis-à-vis des pays d’origine des personnes migrantes. Nous devons réfléchir à la manière dont les Etats occidentaux se positionnent par rapport aux conflits, par rapport à la dégradation de la biodiversité, mais aussi à l’accélération des phénomènes liés au changement climatique, comme les sécheresses, les catastrophes naturelles. Nous devons prendre en compte les impacts de ces phénomènes sur le déplacement des populations. A travers l’action climatique, comme celle des Accords de Paris, nous devons penser la justice climatique. Les pays dont partent les migrants subissent les conséquences du réchauffement climatique, alors que les émissions des gaz à effet de serre, mais aussi la manière de consommer qui dégrade le climat, partent de nos sociétés.

Nous pensons que, à travers les accords internationaux et le multilatéralisme[1], nous devons œuvrer à la justice climatique. Cela passe par une indemnisation des pays subissant les conséquences du changement climatique. Il s’agit aussi de travailler avec ces pays et leur société civile pour arriver à une politique internationale, notamment économique et commerciale, les favorisant. Il faut éviter que notre politique commerciale n’engendre plus de dégâts sur l’environnement des personnes vivant dans ces pays et les forçant à partir. Par exemple, nous devons éviter que les multinationales, par leurs activités, empêchent les habitants d’avoir accès à leurs ressources, comme c’est le cas actuellement avec la pêche au Sénégal.

Nous devons aussi penser à un cadre d’accueil juste et solidaire en Europe, pour que les personnes puissent arriver de manière sûre, et sans risquer leur vie. Il faut, par exemple, réformer le règlement de Dublin[2].

Connaissez-vous l’écologie décoloniale et quel lien voyez-vous avec la migration ?

L’écologie décoloniale est basée sur une prise en compte de l’histoire coloniale dans les réflexions écologistes. Cela concerne la manière dont les questions liées aux enjeux environnementaux, de biodiversité, de répartition des richesses à travers monde, se posent. Il faut penser comment les injustices historiques, liées au phénomène colonial, ont entraîné des bouleversements, par le passé, mais également encore aujourd’hui, en termes d’exploitation des ressources dans les pays du Sud. Le système colonial et certaines pratiques présentes qui ont été héritées ont des conséquences concrètes sur la vie des personnes. Ces conséquences sont notamment liées à la destruction de leur environnement, à l’exploitation de leurs ressources, etc. et tout ça les pousse alors à partir.

 

Jessie Tshiasuma, volontaire dans l’équipe de rédaction Magma

 

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[1] Mode d’organisation des relations entre Etats qui est basé sur la coopération de ces derniers (au moins 3) pour établir des règles communes

[2] Le but du Règlement Dublin est de déterminer l’État européen – un seul – responsable d’examiner la demande d’asile d’une personne exilée arrivée sur le sol européen. L’efficacité et la justice de ce règlement sont très controversées.