Société

Diane et Chadia : Deux révoltes, un combat

8 décembre 2017

Mentionné dans des textes constitutionnels, internationaux et régionaux, le droit au logement est fondamental. Pourtant les cas de discriminations persistent et ils se multiplient. Une mère et sa fille nous livrent le récit d'une expérience éprouvante vécue chacune à sa manière.

Diane, 55 ans, est assistante sociale tandis que sa fille Chadia, 26 ans, vient d’obtenir un travail de chargée de projet dans une asbl. Toutes les deux sont originaires du Rwanda. Elles ont vécu tout un temps dans la ville universitaire de Louvain-La-Neuve afin d’obtenir logement, scolarité sérieuse et environnement stable. Aujourd’hui, c’est dans la région namuroise qu’elles ont trouvé leur pied à terre.

De Louvain-La-Neuve à Namur

En 2011, l’envie de changer d’air et d'agrandir leur espace de vie s’impose dans l’esprit des deux femmes. Elles savent d'expérience que cette recherche peut être un parcours du combattant. Grâce au bouche à oreille, elles entendent qu’un appartement correspondant à leurs attentes se libère dans la région namuroise.  Sans attendre, elles entrent alors en contact, non seulement avec le propriétaire des lieux, mais aussi avec les locataires sortants. Les échanges sont courtois et prometteurs. Les projections dans ce nouveau bien se concrétisent dans la tête des deux femmes.

Lors de la rencontre, les choses prennent une tournure inattendue :

« Le propriétaire a vite changé d’avis. Il avait tout d’un coup un autre cas désespéré à gérer : une femme battue qu’il se devait d’aider ».

Pour Chadia, cet argument n’a fait qu’alimenter son sentiment de révolte :

« Il faut arrêter de se faire passer pour un bon samaritain. Est-ce qu’il est lui-même conscient qu’il a des a priori ? Je ne suis pas certaine! Il y a un travail éducatif à instaurer pour ces gens-là. Prôner une bonne action alors qu’au final tu crées un acte négatif, c’est paradoxal. J’aurais préféré ne rien recevoir comme justification plutôt que ça ».

« Dans ce genre de situation, tu en viens à te demander si ce n’est pas toi qui te fais des idées car ce n’est jamais clair. On ne te dit que très rarement que c’est à cause de ta couleur de peau. La plupart du temps ton jugement se base sur des sensations difficiles à prouver. Porter plainte sur un sentiment subjectif, c’est dur ! ».

La discrimination comme agression quotidienne

« Dans son rapport annuel de 2016, Unia annonce que 38% des discriminations au logement sont de type racial »[1]

Si pour Chadia et Diane, la discrimination raciale évoque la différenciation de traitement  en raison de la couleur de peau suite à des a priori issus de l’imaginaire collectif, le chiffre du rapport annuel de 2016 du Centre Interfédéral pour l’Egalité des Chances (http://unia.be/fr/a-propos-dunia) (UNIA) ne correspond pas à la réalité pour Chadia et sa maman. Selon Diane, les témoignages de discriminations qu’elle peut entendre, lors de la recherche d’un logement, semblent être supérieurs au pourcentage annoncé par l’organisme. D’ailleurs, Unia partage cette observation puisque le centre pointe du doigt la différence entre la réalité et les dépôts de plaintes dans ses enquêtes.

Diane illustre sa pensée en mentionnant notamment un reportage diffusé sur ARTE dans lequel un homme blanc « transformé » en homme noir n’arrive pas à bénéficier d’un logement à cause de sa couleur de peau. Ce reportage n’a fait que confirmer une réalité dont elle dit avoir l’habitude.

Chadia constate que  : « ceux qui portent plainte sont les plus déterminés. Les autres bien souvent se disent que “c’est comme ça “ ».

De la discrimination à l’action

« Avant, je me taisais en me disant que ça n’allait rien changer de s’énerver. Aujourd’hui, je dis au moins quelque chose face à une injustice en espérant semer une graine ».

Après l’expérience vécue avec le propriétaire namurois, Diane n’a pas hésité à mobiliser d’anciens propriétaires pour qu’ils puissent appuyer son combat : « Nous sommes des gens de confiance. Nous savons entretenir un appartement ». Malheureusement, les lettres envoyées au propriétaire n’ont jamais reçu de réponse.

Chadia de son côté, pense que la jeunesse actuelle fait ce qu’elle peut pour lutter contre le racisme. Toutefois le risque serait de mettre toutes les personnes à la peau blanche dans le même panier. Selon elle, l’une des solutions pour lutter contre cette discrimination serait d’encourager le droit  afro-descendant[2].

« Créons aussi nos associations comme Bamko (https://www.bamko.org/) le fait, pour nous défendre car on ne peut pas toujours se laisser défendre par les autres ! ».

Elle ajoute aussi qu’il faut faire confiance à la nouvelle génération :

 « Les jeunes qui vont inviter des amis d’origines différentes à la maison peuvent ainsi réussir à briser les préjugés de certains parents, par exemple ».

Diane, sa maman, voit les choses de manière plus passive et fait confiance au futur:

« Les préjugés persistent car c’est le résultat de personnes qui souhaitent garder leurs privilèges. Mais la vie est circulaire et un jour, ça sera notre tour. La formation est nécessaire mais les « vrais » racistes ne se déplaceront sans doute pas ».  

Diane et Chadia ont depuis cet incident ont réussit “à trouver un plus bel appartement”.

Si la colère est légitime, l’espoir de voir un monde meilleur est encore présent. Prôner les diversités et encourager le combat face aux inégalités sont des actions nécessaires que tout un chacun se doit de produire en tant qu’être humain. L’éducation et la justice font partie des bases d’une société : des initiatives doivent être prises à ce niveau-là pour aider les citoyens dans leur lutte.

Je terminerai cet article sur base de cette réflexion dans la lutte contre les discriminations “les membres se réunissent pour partager des expériences communes. Le racisme est une agression qui se vit dans sa chair. C’est être humilié, violé dans son être. Il est dès lors normal que les personnes racisées souhaitent parfois se regrouper, se retrouver entre elles dans un espace "safe" où elles ne risquent pas d’en être victimes à nouveau, où elles auraient la possibilité de prendre la parole librement. Pourquoi lorsqu’il est question d’un espace « réservé » aux racisé(e)s, lit-on souvent « interdit aux blanc(he)s » ? Pourquoi se sentir menacé(e) par ce type d’organisation ?[3]