Société

Régulariser la jeune Soussou : la voie vers un travail décent

30 mars 2017

© Amandine Kech

Soussou est partie du Maroc il y a deux ans pour éviter un mariage dont elle ne voulait pas. Après de nombreux petits boulots au noir, parfois risqués, elle aspire aujourd'hui à obtenir un titre de séjour en ordre qui lui permette de se former, de travailler et comme elle le dit elle-même, « d'être utile ». Malgré toute sa motivation, notre pays ne lui réserve pas l'accueil qu'elle mérite.

Soussou a 20 ans, déborde d’énergie et souhaite vivre des journées bien remplies. Elle m’accueille chez elle avec beaucoup de chaleur humaine et de générosité pour me raconter son histoire. Alors qu’elle souhaite étudier, travailler et avoir une vie active, elle reste actuellement de longues journées chez elle. En effet, elle a été très effrayée par un contrôle de police qui l’a menée au cachot, où la police l’a enfermée pour une nuit entière. Le lendemain, on lui donnait un ordre de quitter le territoire. Mais Soussou est bien décidée à rester en Belgique. Pas question de rentrer au Maroc. Là-bas, sa famille veut qu’elle se marie et qu’elle reste au foyer. Avec beaucoup de conviction, Soussou m’explique que ce n’est pas la vie qu’elle veut mener. Ses rêves : apprendre, travailler, s’épanouir !

 

Retour au Maroc : pas question !

Retour sur les origines de son départ, il y a deux ans : au Maroc, la famille de Soussou insiste pour qu’elle se marie. La jeune fille est bonne élève, elle souhaite faire des études supérieures ou une formation… Mais sa famille refuse et lui présente plusieurs prétendants. Soussou finit par accepter un projet de mariage et prétexte un dernier voyage chez ses cousins en Belgique avant de « se caser ».

L’année de ses 18 ans, elle s’envole pour Bruxelles, avec la ferme intention de vivre sa vie et de ne pas rentrer au Maroc. Au bout de quelque temps passés chez ses cousins, ceux-ci prennent le relais de la famille marocaine et font pression sur Soussou pour qu’elle se marie. Cette-fois, c’en est trop ! Elle quitte sa famille belge et se lance avec courage dans une vie indépendante mais hasardeuse. Comment payer un logement et se nourrir quand on a 18 ans, ni titre de séjour, ni permis de travail ?    

  

Les petits boulots au noir : insécurité et exploitation

Soussou cherche au hasard, se renseignant dans les commerces du quartier où elle a trouvé une chambre à louer. Sans permis de séjour ni permis de travail, personne ne veut l’employer… Finalement elle est obligée d’accepter des boulots de serveuse de nuit dans des cafés. Les conditions de travail sont exécrables. Les patrons l’exploitent : ils la payent selon leur bon vouloir. Si une nuit son travail est rétribué 10 euros de l’heure, la suivante on refuse finalement de la payer. Si elle réclame, on la chasse. Elle travaille parfois jusqu’à 10 heures d’affilée sans certitude que son travail sera rétribué.

Le milieu est très pénible : Soussou aperçoit divers trafics et les clients des cafés la harcellent sexuellement. Une nuit, après des heures de travail, Soussou est blessée à la main et au poignet : le patron la renvoie chez elle sans la payer. Quelque temps plus tard, le contrôle de police qui l’envoie au cachot finit par l’abattre. Soussou perd courage. Depuis, elle vit de ses économies et de l’entraide avec ses deux colocataires, dont l’un se trouve dans la même situation qu’elle.

 

Volontariat, dessin, formation : Soussou donne un sens à sa vie

Malgré l’abattement, Soussou ne perd pas totalement espoir, même si la déprime la guette :

« Quand je vois des étudiants dans la rue, je voudrais tellement être à leur place ! »

dit-elle avec tristesse. Et pourtant, la jeune femme arrive encore à penser aux autres et à son avenir. Elle prend actuellement des renseignements pour apprendre le néerlandais et envisage aussi de proposer son aide comme volontaire auprès des personnes âgées ou des plus jeunes.  Et surtout, elle continue le dessin, sa véritable passion. Elle rêve de suivre une formation en bijouterie pour pouvoir transformer ses motifs floraux, sa spécialité, en bracelets, bagues ou colliers. Pour moi, elle improvise sur un cahier un magnifique dessin de volutes, de fleurs et de feuilles, semblable aux tatouages éphémères réalisés au henné.

 

Quelles possibilités en Belgique pour Soussou ?

Pour que Soussou puisse vivre une vie digne et en sécurité en Belgique, elle doit pouvoir avoir un revenu. Contacté à ce sujet, le comité des travailleurs avec et sans papiers de la CSC BHV déclare qu’il est actuellement très peu probable que Soussou puisse obtenir un permis de travail, car il est très difficile d’obtenir un permis de séjour, la condition sine qua non pour un permis de travail.  C’est en effet le titre de séjour qui ouvre le droit au permis de travail. Que faire alors avec et pour Soussou, qui va bientôt être obligée de reprendre le travail au noir ?

Ce que propose le comité des travailleurs avec et sans papiers c’est d’obtenir de la Région de Bruxelles qu’elle régularise la situation des travailleurs et travailleuses sans papiers via un permis de travail. Il faut soutenir les jeunes femmes et hommes qui travaillent en Belgique, dans des situations précaires, sans aucune sécurité. Nous nous devons de les protéger, de les aider et d’obtenir leur régularisation. Pour que Soussou, cette jeune femme curieuse de la vie, avide d’apprentissage et de liberté, puisse vivre ses rêves et s’épanouir là où elle le souhaite. 

 

Pour aller plus loin : 

CSC Bruxelles-Ha- Vilvorde : Pour la régularisation de tous les sans-papiers qui travaillent et sont exploités

ou sur Facebook: CSCBHV