Relations
Le thème de l’amour pour déconstruire les stéréotypes sur les jeunes bruxellois.es
31 août 2020 - par Amandine Kech
Début 2020, des jeunes de l’Athénée Royal de Woluwe-Saint-Lambert ont mené un projet de journalisme autour du thème des relations amoureuses, dans le cadre de leur cours de Sciences sociales. Couple mixte, chagrin d’amour ou encore homosexualité étaient les angles choisis par les élèves pour les interviews menées auprès d’autres ados, avant le confinement. Voici quelques mots sur leur projet et des extraits de leurs entretiens.
Contrer les stéréotypes sur les jeunes bruxellois
C’est la deuxième année que des élèves de 4ème année secondaire de l’Athénée royal de Woluwé-Saint-Lambert mettent en place un projet de journalisme citoyen. Cette année, Madame Audrey Razali et Madame Alexia Looze, toutes deux professeures en sciences sociales, ont coordonné leurs classes pour constituer un groupe d’une vingtaine de jeunes journalistes en herbe et mettre en place un programme d’activités avec notre asbl.
A la question « A votre avis, quels sont les stéréotypes sur les jeunes bruxelloises et bruxellois ? », les élèves du cours de sciences sociales écarquillent les yeux, froncent les sourcils. Mettons-nous d’abord d’accord sur ce qu’est un stéréotype…leurs réponses fusent : « une image toute faite ! », « un préjugé », « une idée préconçue ». Après une définition plus poussée, on cherche ensemble des exemples de stéréotypes sur des groupes de la population. Sur les adolescent·es qui habitent dans un village de Wallonie ou sur les femmes… Sur ce dernier groupe, les filles de la classe partagent les images toutes faites avec une colère contenue, en rappelant chaque fois « mais c’est faux » ! Dès lors, les élèves n’ont plus de mal à identifier les stéréotypes qui sont assignés aux jeunes de Bruxelles : délinquants, racailles, voleurs… Ils et elles s’indignent : « Nous ne sommes pas comme ça ! »
Bien sûr, ces stéréotypes négatifs empêchent de voir la réalité beaucoup plus complexe des ados de Bruxelles, lesquel·les ont chacune et chacun une histoire, des proches, une personnalité unique à mettre en valeur. Un débat collectif permet ensuite aux élèves d’évoquer tous les thèmes d’articles qui pourraient montrer les réalités des jeunes de Bruxelles, loin de la délinquance. Des thèmes qui valoriseraient ce qui est important à leurs yeux.
Plusieurs idées sont exprimées : les grandes fêtes familiales à Bruxelles, religieuses ou du calendrier civil : l’Aïd, Noël, le Nouvel an ; les Maisons de Jeunes ; les engagements citoyens et politiques des jeunes…Mais finalement, grâce à un vote, c’est le thème des relations amoureuses qui est choisi !
La philosophie de Magma asbl est d’inviter les jeunes à s’exprimer dans des projets médias afin qu’ils et elles déconstruisent par eux-mêmes les stéréotypes sur la jeunesse. Aussi, la plupart du temps, au tout début d’un projet, filles et garçons commencent par exprimer les stéréotypes qu’ils connaissent sur la jeunesse, ou sur le groupe de jeunes auxquels elles et ils s’identifient. Dans un deuxième temps, on définit ensemble un thème collectif qui aidera à donner une image plus nuancée des jeunes dans des articles, interviews, photos ou vidéos. Sur base de ce thème collectif, par sous-groupes, les jeunes choisissent un angle particulier et cherchent des témoins de leur âge qui pourront leur faire part d’une expérience vécue. |
Préparer les interviews sur un sujet qui demande délicatesse
Autant de jeunes, autant de façons de vivre les relations affectives et/ou sexuelles. Dès lors, les élèves de 4ème année sciences sociales déclinent ce thème global sous différents angles afin de représenter plusieurs facettes de l’amour : couples mixtes ; chagrins d’amour ; relations à distance, couples homosexuels, relations de long terme ; relations impossibles et cachées…Un coaching sur les techniques d’interviews fait prendre conscience aux jeunes que leurs interviews vont demander tact et finesse ! En effet le thème qu’ils et elles ont choisi aborde de nombreux aspects encore assez privés dans notre société, et la pudeur pourrait amener leurs jeunes témoins à souhaiter ne pas tout révéler ou à vouloir garder l’anonymat.
On rappelle aussi qu’il faut se documenter avant et après son interview, pour élaborer des questions pertinentes, pour croiser les sources et ainsi alimenter sa réflexion, pour garder son sens critique et enfin pour faire des liens entre l’expérience de vie particulière qui sera recueillie et les questions de société.
Sentiments amoureux : le vécu des ados de Bruxelles
Les élèves de 4ème année sciences sociales ont recueilli des témoignages divers auprès de jeunes témoins. Malheureusement, la période de confinement a interrompu leur projet et ces journalistes en herbe n’ont pas pu terminer leurs articles. Pour rendre compte de leur travail, voici tout de même un résumé des interviews qu’ils et elles ont menées.
A propos des amours impossibles, le groupe de jeunes journalistes composé d’Obaïda, Nisrine et Jinane a pu mettre en lumière que parfois ce ne sont ni les familles, ni la religion, ni une mésentente qui empêchent deux personnes de s’aimer, mais bien la peur du regard des autres, la peur de décevoir. Preuve s’il en faut que notre entourage et notre contexte de vie influencent largement des choix que l’on souhaiterait libres de toute pression ! A posteriori, des choix posés en fonction de craintes ou de l’entourage peuvent amener des regrets…
Ainsi témoigne la jeune femme interviewée par Obaïda, Nisrine et Jinane :
« c'était trop tard quand je me suis rendu compte que j'avais de réels sentiments pour lui. »
Le groupe de jeunes journalistes composé de Soukaina, Aya, Caline et Loubna souhaitait aborder le thème de l’homosexualité. Elles ont rencontré une jeune française musulmane de 17 ans qui vit en Belgique avec sa tante depuis que sa famille l’a rejetée. Cette famille n’acceptait pas que leur fille ait eu une attirance pour une autre fille. Espérant pouvoir rentrer un jour auprès de sa famille, elle ne vit pour le moment aucune relation : « cela viendra peut-être plus tard » dit-elle. Cette histoire de rejet vient malheureusement s’ajouter à toutes celles de ces jeunes de toutes origines et cultures, dans tous les pays, qui ont été la cible du rejet de leur proches hostiles à l’homosexualité, homophobes, en d’autres termes.
L’équipe constituée d’Imane, Anaïs et Salma s’est penchée sur la rupture et ce que l’on dénomme parfois « le chagrin d’amour », parfois beaucoup plus dévastateur que son nom ne l’indique. La personne qu’elles ont rencontrée a surtout mis l’accent sur la vraie souffrance que représente une séparation, même quand on est ado et leur a donné ses conseils pour se rétablir après une rupture, à l’heure des réseaux sociaux :
« Etant donné que nous sommes en 2020, je conseille de supprimer la personne de tous ses réseaux sociaux, supprimer les photos, supprimer toute trace de la personne afin de couper tous les liens possibles. Ensuite, il faut se changer les idées, sortir avec ses amies, rigoler, faire des activités (shopping, relooking, cinéma, soirées entre amies, etc…). En gros occuper son esprit pour penser à tout, sauf à lui.»
On termine sur une note positive en abordant l’interview réalisée par Kenza, Cassandra et Alicia. Leur équipe s’est intéressée à un couple mixte, sous-entendu, un couple au sein duquel les deux partenaires sont d’origines différentes. Dans une capitale cosmopolite telle que Bruxelles, cela pose-t-il encore question ? Dans le cas des deux jeunes qui ont été interviewés, oui, quelques-unes quand même… Selon la jeune fille d’origine équatorienne, avoir un petit ami quand on est encore ado, ce ne serait pas très bien vu dans sa culture…mais ses parents ont finalement accepté. Le jeune garçon lui, a tenu par exemple à s’informer sur les fêtes traditionnelles de la culture de sa petite amie. Le jeune couple est tout-à-fait d’accord sur le fait que deux origines ou cultures différentes dans un couple, ça ne devrait pas poser problème :
« Aujourd’hui en 2020, plus personne ne devrait encore se focaliser sur ça et peut être rater son âme-sœur ! Je crois qu’en fait l’amour passe au-dessus de ça et ce serait stupide de rater une belle histoire juste à cause d’une question d’origine ou de culture. J’espère que personne ne fera ça ! On est heureux ensemble, on vit notre truc et on s’en fiche du regard des autres.»
Les relations amoureuses, qu’elles soient constitutives de l’identité, dévastatrices ou bénéfiques, occupent une large place dans la vie des jeunes. Nul doute qu’un large travail reste encore à faire par nos sociétés pour mieux accompagner jeunes et moins jeunes dans le domaine des relations affectives et sexuelles. En espérant que les attirances et pratiques amoureuses consentantes, quelles qu’elles soient, ne soient plus jamais la cible de rejet, mais plutôt des expériences de vie émancipatrices pour chacune et chacun.
Avec le soutien d'equal.brussels
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