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Bénédicte : " L’ouverture de notre société, c’est l’avenir de la Belgique ! "

9 janvier 2020

© Photo : Amandine Kech

Welcome - Babbelkot : le nom de cette association annonce l’accueil et la rencontre. Bénédicte Foerster est la coordinatrice de ce concentré d’énergie positive situé à Etterbeek. A l’heure où la construction de nouveaux centres fermés se discute, Bénédicte, elle, me parle de ce lieu d’émancipation pour des personnes venues du monde entier. De l’énergie positive, je vous dis !

 

Bénédicte est devenue bénévole au Welcome - Babbelkot il y a quinze ans. Devenue aujourd’hui coordinatrice, elle y travaille comme permanente avec une équipe de 3 autres employées et 70 bénévoles. Elle me reçoit chaleureusement dans les locaux du Welcome - Babbelkot. L’association propose principalement des cours d’alphabétisation et de français pour adultes et des activités pour enfants, notamment une école des devoirs et des stages. Originaires d’Amérique latine, d’Europe de l’Est, d’Irak, de Turquie ou encore de Syrie, ce ne sont pas moins de 100 adultes qui participent au programme de l’asbl. D’année en année, les origines des apprenants diffèrent en fonction des conflits, menaces politiques ou difficultés économiques que les peuples traversent à travers le globe.

 

Les réalités des apprenants :la base du fonctionnement de l’asbl

En écoutant Bénédicte décrire le fonctionnement de l’asbl, on perçoit vite que celui-ci est conçu pour rencontrer les réalités et besoins des apprenants. Ce qui est important pour le Welcome - Babbelkot c’est que ces personnes sortent de chez elles, rencontrent du monde et apprennent le français, pour ensuite pouvoir continuer des cours de promotion sociale, aller chez le médecin, prendre les transports en commun, trouver un travail, lire le journal de classe de leurs enfants et donner du sens au monde qui les entoure.

Aussi, de nombreuses conditions sont mises en place pour accueillir les futurs apprenants au mieux : des papiers ne sont pas requis, les dames qui portent le voile sont acceptées et il n’est pas nécessaire d’avoir été scolarisé dans sa langue natale. Bénédicte m’explique également qu’un « coin bébés » a été créé, afin que les parents puissent confier leur tout-petit à des bénévoles au sein de l’asbl et ainsi avoir le temps et la sérénité nécessaires pour suivre les cours. Tout le monde était content de la mise en place de ce coin bébés : tant les parents en formation que les formateurs et formatrices.

 

Le plaisir d’apprendre ensemble

Apprendre, ce n’est pas forcément derrière un banc d’école et de manière passive. Avec en point de mire l’apprentissage pointu de la langue française, l’équipe du Welcome – Babbelkot propose toutes sortes d’activités conviviales, ludiques et culturelles, notamment le Babelcafé ou encore « Apprendre en s’amusant » les mercredis, pour une cinquantaine d’enfants. Jouer ensemble est une formidable occasion de s’amuser bien sûr, mais aussi de comprendre et respecter les règles, d’apprendre à perdre et à gagner.

L’école des devoirs est ouverte vers l’extérieur : l’association a déjà organisé des séances de relaxation par exemple, et invite également régulièrement des intervenants extérieurs comme des artistes ou encore un spécialiste des droits de l’enfant.

Un projet particulier nommé "Ensemble" permet aussi d’impliquer les parents dans la scolarité de leur enfant qui entre en première primaire. L’idée est que les parents comprennent le système scolaire, peu importe leur niveau de français.

Enfin, last but not least, Bénédicte rappelle l’importance de susciter le goût de la lecture, le plaisir de lire une histoire.

 

Les difficultés rencontrées

Une des difficultés reste le manque de place au Welcome - Babbelkot : l’asbl n’arrive pas à accueillir toutes les personnes qui souhaiteraient suivre les cours. A noter aussi que le Welcome - Babbelkot est tout à fait tributaire des bénévoles.

Pour pallier ce manque de place, l’association collabore avec d’autres structures à Etterbeek, par exemple Animations et Loisirs pour Tous (ALT), la Maison de Quartier Chambéry, Samarcande, le Centre Culturel Senghor, ou encore l’asbl Le Maitre Mot à Ixelles ; et peut aussi compter sur le soutien accordé par la commune au travail d’accueil.

L’accueil des primo-arrivants reste aussi difficile. Bénédicte souhaiterait qu’il y ait une prise en charge de ces personnes en dehors des cours, car celles-ci passent toute la journée à apprendre le français et sont exténuées en fin de journée.

Par ailleurs, certains apprenants ou bénévoles reçoivent parfois un ordre de quitter le territoire, et parfois du jour au lendemain, ils disparaissent. On ne sait pas ce qu’ils deviennent, on a plus de nouvelles, c’est très dur.

Enfin, parallèlement aux difficultés de l’asbl, Bénédicte relève en particulier les difficultés que les apprenants rencontrent à trouver un logement décent.

 

Comment Bénédicte en est-elle arrivée au Welcome - Babbelkot, qu’est-ce qui la motive ?

"L’ouverture de notre société, c’est l’avenir de la Belgique !" dit Bénédicte. Ses conceptions concernant l’immigration se sont forgées sur le terrain, mais elle était déjà quelqu’un d’ouvert à la base, explique-t-elle. "Toutes ces personnes sont une grande richesse, j’ai un grand respect pour elles". Pour Bénédicte, il est par exemple très important qu’en parallèle de l’apprentissage du français, les parents continuent de parler leur langue.

De plus, Bénédicte adore travailler avec des bénévoles pour l’ambiance. Son travail à elle, c’est de faciliter leur travail. Ils et elles se réunissent pour travailler ensemble spontanément, certains sont devenus amis.

Bénédicte ajoute : "On donne beaucoup, par exemple pour la préparation des cours… et on reçoit beaucoup ! On ressent vraiment un grand respect des personnes adultes pour l’éducation et pour les formateurs et formatrices, c’est touchant. C’est peut-être quelque chose qui se perd en Belgique. Et on voit qu’il y a tout à fait moyen de vivre ensemble. Certains discours politiques font passer des idées qui ne sont pas vraies et qui font peur aux gens, le discours raciste gagne du terrain. Mais selon moi, il y a de la place pour tout le monde, sur le terrain, il y un esprit de solidarité !".

 

Le plein d’idées pour résoudre la crise de l’accueil

Ces dernières années on a souvent entendu parler de "crise migratoire". Des voix se sont élevées pour signaler qu’il fallait plutôt parler d’une "crise politique de l’accueil en Belgique". Nos pouvoirs politiques sont-ils en manque d’idées pour résoudre cette crise ou ne veulent-ils pas y accorder les moyens nécessaires ?

Pour résoudre cette crise de l’accueil, au lieu de mettre davantage de moyens financiers dans la construction de nouveaux centre fermés, on conseille aux pouvoirs politiques de s’inspirer des structures d’accueil telles que le Welcome - Babbelkot d’Etterbeek. Un accueil humain et bien organisé, en phase avec les réalités et besoins des personnes migrantes : c’est ce dont la Belgique a besoin aujourd’hui !