Société

La jeunesse contre la précarité à Liège

2 décembre 2021 - par Guillaume Bartholomé

© Quelques membres du groupe " ça joue collectif "

De la période de confinement, on retiendra l’isolement social qui aura particulièrement frappé les jeunes, les longues périodes de chômage technique et l’absurdité d’une batterie de décisions gouvernementales. Mais, comme pour les récentes inondations ayant eu lieu un peu partout en province de Liège, il y eut aussi plusieurs élans de solidarité, quoique plus discrets. Parmi ceux-ci, un groupe d’étudiants et de jeunes travailleurs liégeois passent une soirée à discuter ensemble en vidéo – confinement oblige. Ce soir-là, ils se questionnent sur les manières d’aider les familles les plus touchées financièrement par le chômage technique. Ni une ni deux, l’idée de récolter et distribuer des denrées alimentaires est arrêtée, le nom de ce petit groupe de fans de foot aussi : « Ça Joue Collectif » est né.

 

De cinq ou six amis, le groupe s’agrandit rapidement grâce au bouche à oreille, et rassemble dix bénévoles lors de sa première action concrète, en avril 2020. À grand renfort de communication sur Instagram et auprès de leurs entourages respectifs, Ça Joue tente de se faire connaître pour réaliser un appel aux dons tant alimentaires que monétaires dans le but de réaliser des paniers de courses d’une trentaine d’euros qu’ils distribueront ensuite aux familles qui les auront contactés dans le respect de leur anonymat. Pour le collectif, cet aspect était essentiel. « C’est un moment un peu gênant qui implique d’oser montrer aux autres ses faiblesses » explique Alexandre, l’un des membres, se questionnant par la même occasion. « Je me suis dit, si moi j’étais dans le besoin, est-ce que j’aurais le cran de le montrer à des inconnus ? Gros respect pour ces personnes ».

Au fur et à mesure, l’association parfait son organisation. Pour augmenter leur rayon d’action, elle décide de collaborer avec des ASBL spécialisées et avec le CPAS. Pour distribuer des colis plus conséquents, un partenariat est mis en place avec un magasin LIDL, à Soumagne, ainsi qu’avec une boucherie liégeoise. La RTBF ainsi que La Meuse leur consacrent un article et leur donne de ce fait un coup de projecteur bienvenu. Clairement, les membres ont du travail… qu’ils doivent effectuer au mépris des réglementations sanitaires.

De la désobéissance civile ? « Ce n’était pas le but, mais il y a des choses qui priment dans la vie, et baisser les bras parce que la loi nous empêche d’aider des familles, c’était pas notre style, tout simplement. On était tous prêts à prendre le risque de l’amende de 250€ ». À ce moment-là, les normes en vigueur interdisaient tout rassemblement. Il faut donc tenter de rester discret lors des sorties groupées au magasin, où il faut parfois faire les courses pour plus de quarante familles la même semaine.

Le 1er juin 2020, un message apparaît sur les réseaux sociaux. Ça Joue Collectif met fin à son action après avoir aidé 85 familles en l’espace d’un peu plus d’un mois.

Deuxième round !

Deux mois passent sans que l’on n’entende plus parler du groupe, jusqu’à ce qu’une nouvelle publication déboule le 18 août : l’organisation reprend les armes pour une seconde – et à ce jour dernière – action. L’occasion : La rentrée des classes, source de grosses dépenses pour de nombreuses familles dont les moyens sont parfois très limités.

Si le succès de cette initiative est moins important, moins de foyers bénéficieront des dons de matériel scolaire et vêtements rassemblés par le collectif, cela leur donne des idées. « À ce moment-là on s'est dit qu'on aimait vraiment bien ce qu'on faisait, qu'on commençait à être bien organisés, donc on a pensé à passer en ASBL. » nous raconte Alexandre. « Mais finalement, les emplois du temps de chacun commençaient à être compliqués, certains avaient fini leurs études et commençaient à bosser, d'autres reprenaient leurs études justement,... On a perdu des membres, et un peu de volonté aussi, donc on a décidé de ne pas se lancer dans ce projet plus formel. » Aucun regret pour autant : « On a voulu aider, on l’a fait du mieux qu’on pouvait, on a aimé s’investir et c’est ce qui compte. Le courage de se lancer, on l’a trouvé en chacun de nous : ça joue collectif ! Tout ça nous a beaucoup apporté et enrichi humainement parlant. »

Avec le reste des ressources récoltées, un don sera fait quelques mois plus tard aux victimes des inondations qui ont ravagé la région liégeoise. Pour le groupe, la transparence et l’honnêteté sont des valeurs primordiales et tout ce qui n’a pas pu aider les uns doit finir par en aider d’autres.

Notre discussion avec Alexandre se termine sur l’intérêt de l’initiative citoyenne et le manque de vivacité du service public à répondre aux tragédies sociales et économiques. « Il faut aider tout le monde, comme on peut, sans s’attarder sur qui il est. Je me doute que l’Etat doit aider d’une manière ou d’une autre mais on le constate tous les jours : ce n’est jamais suffisant. Donc il faut donner un coup de pouce comme on peut. On était presque tous étudiants, on avait pas tant de moyens et ce n’est pas évident de se lancer dans ce genre d’initiative, de trouver la motivation pour passer de parler d’un projet à concrètement le réaliser. Mais comme dit dans notre nom « Ça Joue Collectif » : le courage, on l’a trouvé en chacun de nous ! »