Nord/Sud

Marche pour une Wallonie Hospitalière

28 novembre 2019 - par Amandine Kech

© Mati Ali Rehda

1ère, 2ème, 3ème GÉNÉRATIONS… NOUS SOMMES TOUS DES ENFANTS D'IMMIGRÉS !

Été 2019, la canicule menace et les dernières élections nous restent en travers de la gorge… Peu importe ! Le collectif Migrations Libres nous emmène dans un périple de plus de 200 km à pied de Liège à Chiny pour défendre les droits des migrants ! Prêts à se lever dès 6 heures du matin, une quarantaine de marcheuses et marcheurs courageux relèvent le challenge et parcourent entre 15 et 20 km à chacune des 11 étapes. On grimpe les collines ardennaises et on les dévale jusqu’à l’Ourthe au son du reggae et des slogans “De l’air, de l’air, ouvrez les frontières !”.

La marche est un acte de sensibilisation et une interpellation politique. Chaque jour une lettre est remise aux autorités des villes traversées pour réclamer une Wallonie plus hospitalière : réouverture des centres ouverts, ouverture de nouveaux lieux d’accueil, l’arrêt des contrôle de police au faciès. Esneux, Comblain-au-Pont, Hotton, Barvaux, Mormont, Rendeux, Houmont,… Le groupe est super mélangé : des gens de tout âge, de toute origine et carac- tère. On rit beaucoup, on s’engueule un peu, mais surtout on avance et on vit une expérience humaine incroyable !

Tous les jours, je coache un petit groupe de jeunes marcheurs, journalistes d’un jour pour la réalisation de photos et de capsules vidéos. L’idée est de communiquer à propos de la marche sur les réseaux sociaux. De très nombreuses photos sont réalisées, ainsi qu’une dizaine de vidéos, dont certaines cumuleront plus de 10 000 vues sur Facebook. Découvrez les images et les extraits des vidéos réalisées par Rabia, Samia, Moussa, Redha, Elhadj, Hamza, Okba, Sarah, Laetitia et Sébastien !

Amandine Kech


Interviews des marcheurs

 

1. INTERVIEW DE MOURAD PAR SAMIA 


Bonjour Mourad, d’où viens-tu, pourquoi participes-tu à cette marche ?

Je viens de Paris. J’ai eu une expérience de marche l’année dernière qui allait jusqu’à Calais. C’est une marche qui avait pour objectif de réclamer un accueil digne pour les réfugiés et les exilés et on marchait contre la loi “asile et immigration” en France. On voulait faire abroger cette loi. J’ai rencontré Florence Thiry à cette marche, Florence est liégeoise, elle m’a parlé de cette marche en Wallonie et j’ai décidé de me joindre au mouvement.

Je suis là pour marcher, pour les réfugiés, pour les soutenir. Juste être là et marcher avec eux, c’est le soutien de base. Je suis à fond avec eux, 100% pour eux, pour qu’ils soient mieux accueil- lis dans des conditions dignes. Pour qu’ils soient régularisés, et qu’on arrête de les faire chier.

 

2. INTERVIEW DE JULIE PAR RABIA


Peux-tu présenter la marche pour une Wallonie Hospitalière ?   

La marche va durer 11 jours. Les étapes compteront de 12 à 20 km. Le but c’est de parler de la migra- tion, des migrants et des migrantes, et de dire qu’il y a une ouverture en Belgique. Au cours de notre voyage, nous voulons valoriser toutes les initiatives d’accueil et nous souhaitons sensibiliser les per- sonnes à l’accueil des migrants. 

Que penses-tu de la situation des sans-papiers en Belgique ?
Penses-tu qu’il y aura une solution pour ces gens qui sont en Belgique depuis des années ?    

Il y a eu par le passé des vagues de régularisation pendant lesquelles des personnes sans-papiers pouvaient avoir des papiers. Mais moi, je ne sais pas si ça va se représenter. Nos gouvernements ont des politiques d’asile très dures, ça va plutôt vers la fermeture que vers l’ouverture. Je veux croire qu’il y aura des solutions. On est en train de former des gouvernements, j’espère que les majorités qui vont se former auront une politique migratoire beaucoup plus ouverte qui permettra aux personnes sans-papiers d’en obtenir.

Quel est ton point de vue sur les centres fermés ?

Comment résumer ça ? Les centres fermés sont des prisons où des innocents sont enfermés. Je suis contre les centres fermés et j’aimerais les fermer.

 

3. INTERVIEW DE SARAH WALIN PAR RABIA


Comment tu as trouvé cette journée de marche ?

Journée un peu difficile, on n’était pas forcément prêt ! Mais il fait beau, le chemin était joli, c’était un bon départ.

Penses-tu que cela va donner du résultat ?

Si on rencontre des gens, on va les sensibiliser ou soutenir leurs projets. Visibiliser la situation des personnes migrantes c’est important.

Faudrait-il essayer de convaincre plus de personnes de rejoindre la marche ?

C’est sûr, mais on ne peut pas forcer les gens à nous rejoindre… on essaie donc d’être des gens sympas, d’expliquer, de parler, de donner une autre vision de la migration, que les gens rencontrent des migrants. Evidemment, notre objectif c’est que de plus en plus de gens rallient la cause et qu’on soit de plus  en plus pour faire front. Parfois les gens se sentent impuissants, ils ne savent pas comment agir. Et donc ensemble on peut faire pression.

Pourquoi as-tu rejoint Migrations Libres ?

Je me sentais impuissante face à la situation des migrants. Je ne trouvais pas ça normal, mais je ne sa- vais pas comment agir, quoi faire. Et ça m’a poussée à rejoindre le mouvement. Migrations Libres est un collectif qui héberge les migrants, les personnes qui n’ont nulle part où loger. On fait aussi des actions po- litiques, faire pression sur le gouvernement, aller à la rencontre des citoyens, on fait également des ateliers théâtre ou football pour que les gens se rencontrent.

Que penses-tu des centres fermés ?

C'est une horreur ! Je voudrais qu’ils ferment tout de suite ! Fermons les centres fermés ! C’est pas normal d’enfermer des gens qui n’ont commis au- cun crime ! On ne sait pas ce qui se passe dans ces centres, les gens qui y sont enfermés ne sont pas traités avec dignité. Je suis totalement contre.

 

4. INTERVIEW DE SARAH SHILTZ PAR RABIA


Pourquoi tu participes aujourd’hui à cette marche ? 

Je participe car c’est essentiel de remettre la question de la migra- tion et de l’accueil au centre des préoccupations politiques. C’est important de sortir des frontières de notre ville, Liège, pour aller parler avec d’autres personnes en dehors de notre ville et se confronter à d’autres réalités.

Avec le gouvernement qui vient, à ton avis, la politique migratoire de la Belgique va-t-elle changer ?

Le gouvernement va être dur à former. J’ai peur que ce soit difficile d’obtenir des progrès. Je pense que c’est par la résistance citoyenne et par les communes qu’on va arriver à faire bouger les lignes.

Sur la situation des sans-papiers et des centres fermés, comment s’en sortir ?

Je suis en faveur de la fermeture des centres fermés. Il faut des voies légales pour que les gens ne mettent plus leur vie en danger pour arriver en Belgique. Pour les sans-papiers, il faut une commission permanente de régularisation ici en Belgique, c’est urgent. Mais j’ai des doutes sur la possibilité d’y arriver dans l’immédiat, malheureusement.

 

5. INTERVIEW D’ANDRÉ PAR ELHADJ


Bonjour, on en est au troisième jour de la marche pour une Wallonie Hospitalière. Comment tu t’appelles ?

André, je viens de France.

André pourquoi tu marches avec les migrants ?

Je poursuis deux objectifs : découvrir la Belgique et partager du temps avec les migrants. Apprendre à les connaître, discuter avec eux. Voir ce qu’on peut faire et comment mieux communiquer entre nous.

Après la marche est-ce que quelque chose aura changé ?

Je pourrai mieux parler des migrants et de qui ils sont et de ce qu’ils font. Je ne les connaissais pas. Je connais des Algériens mais je ne connais pas de gens en situation de migration. Donc après, je pourrai parler un peu mieux des migrants.

Merci beaucoup, bonne journée, bonne marche !

 

6. INTERVIEW D’HAROON PAR MOUSSA


Bonjour aujourd’hui on en est à la sixième journée de marche pour une Wallonie Hospitalière. Comment tu trouves cette marche jusqu’à présent Haroon ?

Moi je trouve que c’est vraiment chouette, ça m’intéresse de marcher avec vous, c’est une bonne idée !

C’est quoi pour toi le but de cette marche ?

C’est important pour des gens comme nous qui n’avons pas de papiers. Je fais connaissance avec de nombreuses personnes qui m’intéressent beaucoup.

Pendant cette marche, essayez-vous de rencontrer des gens, de parler de votre  situation ou de mobiliser les gens ? 

Oui et c’est vraiment une bonne idée, j’en suis très content.

 

7. INTERVIEW DE CARINE PAR LAETITIA


Pourquoi marches-tu Carine ? 

Quand j’avais 19 ans, j’ai eu la chance de partir au Maroc avec un ami et d’être accueillie dans sa famille, dans des petits villages au Maroc. C’était il y a trente ans et ça a été un choc dans ma vie. J’ai découvert une autre vie, une autre manière de vivre et surtout un accueil extrêmement chaleureux. Je me souviens d’un endroit, on a été accueilli par des gens, et il y avait 4 œufs durs à manger, on était 5 ou 6, mais voilà c’était partagé de bon cœur, plus que de bon cœur, les gens donnent tout ce qu’ils ont car tu es l’ami d’un ami ! Donc c’est quelque chose qui m’est resté toute ma vie… Et puis j’ai eu d’autres occasions de rencontres : j’ai un beau-frère qui est marocain, j’habite à Liège, c’est une ville multiculturelle donc j’y rencontre plein de gens. Et puis il y a eu cette histoire de migrants, et ce sont des personnes comme des autres, t’as envie de les aider, de les soutenir, de les accueillir, c’est plus possible de les laisser à la rue, d’autant plus quand des contacts se lient. Ce ne sont plus des migrants, ce sont des amis.

Carine, qu’est-ce que tu fais dans l’intendance ? 

L’intendance c’est une partie importante de la marche car c’est tout ce qui permet aux marcheurs de tenir le coup. On a trouvé des lieux à chaque étape pour loger les gens. Ici, par exemple, en une heure on a tous déjeu- né, rangé les tentes et le matériel, renettoyé la salle, et tout ça avant de repartir pour l’étape suivante. D’habi- tude l’équipe intendance va au milieu du parcours pour préparer un sandwich pour chaque marcheur avant de repartir pour la deuxième partie de la marche. L’équipe intendance se rend ensuite à l’arrivée de la marche  pour installer la tonnelle aux endroits où on accueille la marche en grande pompe. Et puis on se rend aux lieux suivants où on va dormir et où on débarque le matériel, on rencontre les personnes qui nous accueillent, on réceptionne les clés, on voit si on a les courses suffisantes.

C’est un travail de fou et même de fourmi ! Comment en es-tu arrivée à t’engager ici dans la marche et particulièrement dans l’intendance ?

Je faisais partie du petit groupe qui a imaginé la marche. Je me suis d’abord occupée de la partie administrative, tous les dossiers pour trouver les soutiens, les contacts avec les gens et puis après on est tous dans le bain et on doit tous prendre tout ça en charge. C’est beaucoup d’imprévus à gérer… On perd parfois le matériel, on le retrouve et jusqu’à présent il n’y a aucun problème.

 

8. INTERVIEW DE REDHA ET ELHADJ PAR OKBA


Okba : Salut tout le monde !

Redha : Salut !

Elhadj : Salut !

Okba : Pouvez-vous vous présenter ?

Redha : Moi, c’est Redha.

Elhadj : Moi, c’est Elhadj.

Okba : Et moi c’est Okba.

Okba : Je peux vous poser une question ? Qu’est-ce que vous pensez de cette marche ?

Redha : C’est très bien, on est vraiment content d’être ici avec Migrations Libres et d’autres associations. L’ambiance est très chouette et on est content parce qu’il y a des personnes qui veulent nous aider.

Elhadj : C’est le quatrième jour de la marche, jusqu’à maintenant c’est parfait. Ça nous fait plaisir  de rencontrer des gens qui viennent de la France et d’autres régions ici pour participer. C’est bien pour casser les barrières entre les cultures, entre les migrants et les occidentaux. Il y a des personnes qui ne connaissent pas la différence entre les sans-papiers et les demandeurs d’asile.

Okba : Une autre question : c’est quoi le but de cette marche ?

Redha : Le but de cette marche c’est de sensibiliser à la situation des migrants et aux difficultés des sans-papiers et des réfugiés au quotidien.

Elhadj : C’est exactement comme Redha l’a dit, le but c’est de sensibiliser à cette situation catastrophique et aux difficultés auxquelles font face les sans-papiers qui n’ont aucun droit, ne peuvent pas circuler et ne peuvent même pas vivre tranquilles.

Okba : Merci à vous !

Redha : salut !

Elhadj : salut !