Société

La neurofibromatose et moi, Abdoulaye

28 novembre 2019

Pour le projet Pairs et repères, j’ai décidé de réaliser un article sur ma maladie, la neurofibromatose. J’ai plusieurs objectifs : parler de certains médecins négligents, changer le regard qu’on porte sur les personnes malades et proposer des pistes pour un meilleur accompagnement.

Je suis Bah Abdoulaye Douma. De nationalité guinéenne, j’ai 18 ans. Je suis en Belgique depuis un peu plus de deux ans. Je suis passionné de football. J’aime aussi l’Histoire, précisément l’Histoire des religions, car j’ai un nombre incroyable de questions sur les religions et l’Histoire est un moyen pour obtenir des réponses. Depuis tout jeune, je m’interroge par exemple sur l’enfer et le paradis. Mon arrivée en Belgique m’a permis d’avoir un sentiment de liberté et d’essayer d’obtenir des réponses. Il y a quelque temps, j’ai quitté l’islam et je me positionne aujourd’hui comme agnostique. Pendant mes temps libres, j’écoute des artistes comme Bob Marley, Tiken Jah Fakoly ou encore Alpha Blondy. J’adore le reggae !

La Guinée est unpays de l’Afrique de l’Ouest d’une superficie de 245857 km2, la capitale est Co- nakry. Le climat du pays est tempéré, même si ça dépend de chaque région. Moi, je suis originaire de la moyenne Guinée, l’une des quatre régions du pays et je vivais dans un quartier de la capitale.

*La coccinelle est l’emblème de la neurofibromatose


La neurofibromatose : je  t’explique…

On m’a diagnostiqué la NF1 en Belgique en 2017. En Guinée, un pays qui a un gros retard en médecine, ce n’était pas possible. Depuis ce diagnostic, j’ai subi plusieurs interventions chirurgicales : cinq au total, car j’avais une grosse tumeur sur ma cuisse gauche et plusieurs neurofibromes.

Mon quotidien est vraiment difficile, la maladie est très handicapante. C’est très difficile de prévoir des activités à l’avance car de terribles douleurs peuvent survenir à tout moment. Je dois les calmer avec des anti-douleurs car aucun traitement n’existe pour l’instant.

J’ai connu des difficultés au niveau scolaire. A mon arrivée en Belgique, un médecin a estimé que j’étais capable d’avoir une scolarité normale. Au vu des difficultés liées à la neurofibromatose, j’ai dû passer de l’enseignement secondaire général vers l’enseignement technique, mais cela n’a pas changé mes difficultés ! Il m’a fallu voir un neuropsychologue qui les a confirmées.

Depuis septembre 2018, je suis dans une école spécialisée où mes difficultés sont prises en compte et j’ai terminé l’année avec succès.

Médecins négligents : s’abstenir !

Le suivi de ma maladie a commencé à l’hôpital Erasme à Bruxelles, mais depuis janvier 2019, je suis suivi à l’hôpital Saint-Luc. Pour traiter la NF1, c’est très difficile, ça nécessite un grand nombre de médecins. Les rendez-vous sont très longs pour une personne comme moi qui ressent des douleurs insupportables et qui souhaite rapidement avoir des solutions. Ça semble aussi très long quand les contacts avec le corps médical sont désagréables au vu des réponses et du suivi inapproprié que les médecins préconisent. Je pense que cela est dû à une méconnaissance de la maladie qu’ils refusent d’admettre.

Il est très difficile de trouver un spécialiste qui maitrise bien la maladie. Je souhaiterais que les médecins acceptent de reconnaitre leur méconnaissance de la maladie et arrêtent de donner des avis qui ne reflètent pas la réalité. 

Ne dévisagez pas les malades, soyez responsables !

Je souhaite aussi sensibiliser le grand public qui ne connait pas la neurofibromatose aux problèmes des regards désagréables sur les personnes dont le handicap est visible. Ces regards désagréables poussent les personnes malades à s’isoler. Ensuite, il faut un long suivi psychologique pour pouvoir supporter tant la maladie que ces regards. Je demande au grand public d’être plus responsable en essayant de se mettre à la place des personnes atteintes. 

Mes conseils pour nous soutenir et nous soigner

J’ai plusieurs souhaits. D’abord, concernant les recherches cliniques, je souhaite qu’il y ait de grandes avancées et surtout davantage de communication autour de celles-ci. En effet, ça peut être soulageant pour nous malades de savoir qu’il y a des choses qui sont faites. Je rêve aussi de la création d’un centre juste pour les personnes atteintes de la neurofibromatose. Ce serait une solution aux problèmes suivants : dans la plupart des hôpitaux, il y a un monde fou, et le nombre de médecins qui connaissent la maladie est très restreint. En troisième lieu, comme il est très difficile de trouver des mots justes pour encourager les malades, notamment ceux dont la maladie est visible, je pense qu’un suivi psychologique doit être accessible pour chacun d’entre nous.

Mon futur dépend d’une réponse positive à une demande de régularisation

Ma présence en Belgique est en partie liée à cette maladie. J’ai donc introduit ce qu’on appelle une “demande 9ter”, c’est une demande de régularisation de mon séjour en Belgique pour raison médicale.

Elle a été refusée et je pense que ce refus émane du médecin de l’Office des étrangers qui ne connait pas cette maladie. Celui-ci ne m’a ja- mais rencontré pour un diagnostic ! De plus, parmi les raisons du refus se trouvaient des choses qui ne sont pas réelles comme dire que la mu- tualité existe en Guinée et qu’elle serait accessible pour tous. La seule clinique qui m’était recommandée ne propose que des soins limités et n’est pas connue du grand public en Guinée, alors qu’aucun hôpital, parmi les plus connus en Guinée, n’était cité.

J’ai un introduit un recours contre ce refus et à l’heure actuelle, je suis en attente. Mais si je suis contraint de retourner en Guinée, je n’aurai plus accès à un suivi médical adéquat de ma maladie, inconnue là-bas. Si je reste en Belgique, je pourrai continuer mes études et essayer de réaliser mon rêve de devenir journaliste.

La neurofibromatose du type 1, appelée aussi NF1, est une mala- die génétique rare : 1 cas sur 3000 naissances. Elle serévèleprogres- sivement par des taches sur la peauetdestumeursbénignesnon cancéreuses, les neurofibromes, qui se développent à partir de la gaine des nerfs, pouvant générer des complications locales en fonction de leur taille et de leur localisation. D’autres symptômes sont possibles : difficultés d’ap- prentissage, atteinte des voies visuelles,  lésions  osseuses…

Les symptômes de cette maladie connue depuis plusieurs siècles ont été précisés en 1882 par un médecin allemand, le Dr Friedrich Von Recklinghausen. De ce fait, la NF1 est également appelée maladie de Von Recklinghausen. A noter qu’il existe aussi la neuro- fibromatose du type 2. C’est une maladie qui n’est héréditaire qu’à 50% et on peut avoir la maladie sans la transmettre à ses enfants.


Un article de Bah Abdoulaye Douma


Questions à mon médecin, Dr Sarah Diouf


Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis le docteur Sarah Diouf, je suis médecin généraliste en formation dans une maison médicale pour deux ans.

Pourrez-vous me décrire la neurofibromatose ?

C’est une maladie génétique, qui se manifeste par plusieurs taches café au lait sur la peau, des tumeurs situées le long des nerfs. C’est une maladie qui se présente différemment d’une personne à l’aC’est une maladie génétique, qui se manifeste par plusieurs taches café au lait sur la peau, des tumeurs situées le long des nerfs. C’est une maladie qui se présente différemment d’une personne à l’autre.

Pourquoi les médecins ont du mal à reconnaître cette maladie ?

Parce que c’est une maladie rare, le plus souvent on ne rencontre pas de personnes atteintes de cette maladie dans nos services. C’est une maladie qui se présente différemment d’une personne à l’autre et peut toucher plusieurs organes : la peau, les yeux, le système nerveux,… Il faut tout le temps être attentif pour voir s’il y a un lien avec cette maladie.

Les médecins ne devraient-ils pas reconnaitre leur manque d’informations sur cette maladie et poser des questions à leurs collègues ?

Oui, le plus souvent en médecine, on doit être capable de dire “Ici, je ne suis pas à l’aise” et c’est pourquoi en médicine générale, on oriente les personnes vers les spécialistes, on note nos remarques et on demande leur avis.

Quel est votre avis sur un centre spécialisé en neurofibromatose ?

Je proposerais plutôt la création d’un pôle de références où les spécialistes se regroupent et partagent les informations. Les patients pourraient y faire un bilan annuel en une journée.

TÉMOIGNAGE DE CARLA

Membre de l’Association Neurofibromatose Belgique – ANB, recueilli par Abdoulaye

Pouvez-vous présenter ?

Je m’appelle Carla, j’ai 48 ans et je suis la cadette d’une fratrie de 6 enfants, j’ai 4 frères et 1 sœur. J’habite dans le Brabant Wallon. Je suis porteuse de la maladie Neurofibro- matose de type 1.

Comment vivez-vous avec la NF1 ?

La Neurofibromatose fait partie de moi, j’ai appris à vivre avec depuis l’âge où j’ai appris que j’étais porteuse de cette maladie, c’est-à-dire à l’âge de 21 ans, même si j’avais entendu ce nom à mes 7 ans (1977). Elle ne m’a jamais vraiment empêché de faire ce que j’aime, je le fais à mon rythme afin d’en tirer le maximum de plaisir.

Quelles sont vos difficultés avec la maladie ?

La fatigue et les douleurs musculaires font partie de mon quotidien, parfois je manque de concentration.

Quels sont vos soucis avec le suivi médical ?

J’ai parfois l’impression de ne pas être comprise et de déranger car il est difficile de mettre des mots sur ce que je ressens ou ce que j’ai pu ressentir. Malgré cela mon suivi se passe normalement bien.

Avez-vous une idée du nombre de personnes qui sont atteintes en Belgique ?

Pour la Belgique on parle de 1 personne sur 3500, mais il est difficile de poser une statistique stable car toute personne atteinte de la Neurofibromatose ne rentre pas dans le même moule. C’est-à-dire que deux personnes atteintes n’auront pas les mêmes symptômes.

Parlez-nous de l’association…

L’association est née suite à une rencontre avec une jeune maman qui a un petit garçon âgé aujourd’hui de 7 ans qui est atteint de la maladie. Le but de l’association est de faire connaître la maladie au grand public mais aussi aux jeunes étudiants en médecine. Nous essayons au mieux d’organiser des rencontres entres membres, mais nous restons disponibles individuellement. Des évènements sont organisés au profit de l’association. Les prochaines activités sont le 05/10 une Ladies Night est organisée dans le Brabant Wallon, en novembre il y aura la deuxième édition du Concert Let The Music Play, en collaboration avec l’association Solo mais pas seul qui regroupe les familles monoparentales. La création d’une bande dessinée qui expliquera la maladie est en discussion.

Que recommandez-vous pour mieux accompagner les malades ?

Pour les personnes externes à la maladie, je recommande de s’informer sur la maladie et ne pas hésiter à poser des questions, de consulter internet tout en se préservant, car il ne faut pas oublier que sur internet on voit souvent les cas extrêmes. Pour le quotidien, je dirais de faire preuve de compréhension et de patience.